Journées de 2019
ARGUMENT
Pourquoi encore le français, ancienne langue étrangère ?
Il pourrait paraître bien malaisé de justifier aujourd’hui un appel à la tenue d’un congrès sur l’enseignement international de la langue française.
À ne pas y regarder d’assez prêt, on ne s’y risquerait même plus. L’heure n’est-elle pas en effet celle de la proclamation de l’anglais au statut de langue véhiculaire planétaire et le moment, celui de la mondialisation économico-, médiatico-, politico-financière, des traités de libre échange multilatéraux, des fusions et des effusions d’États ? N’est-on pas incité partout à l’acceptation du fait que le monde dispose déjà d’une nouvel idiome pour ses sciences ?
La rationalité serait bien de conclure aujourd’hui à l’inutilité fonctionnelle des autres langues pour la communication internationale et, conséquemment, à leur inconvénient fonctionnel des points de vue stratégique et budgétaire dans toute politique d’enseignement. De conclure que toute volonté d’internationalisation passe désormais par une nécessaire et sage anglicisation.
Mais l’on est face à la difficulté que la rigueur de cette apparente conclusion de la raison n’est pas universellement confortée par les acquiescements du cœur. Il existe encore des réticences à se résoudre à l’uniformisation du monde et à mettre en péril à terme toute diversité et de toute identité enracinée. Il existe encore l’espoir que la diversité linguistique offre un plus grand potentiel de production de solutions conceptuelles que celui de l’uniformité monolingue.
Aussi, pour justifier peut-être ce congrès et pour s’assurer que la bataille pour les études françaises internationales n’est pas un combat d’arrière-garde, sans parler des charmes stéréotypés ou réels de la littérature, gastronomie, beauté du patrimoine, parfum, de la langue française et sans parler de l’urgence pour la corporation des francisants de tous poils ou de toutes plumes de défendre leur niche professionnelle, conviendra-t-il de s’interroger sur ce qu’est profondément l’anglicisation de la communication internationale, d’explorer ses perspectives et de juger la valeur de ses conséquences à terme.
Pour ce faire nous nous inspirerons d’abord des travaux des professeurs Claude Hagège et Louis-Jean Calvet pour réfléchir quant aux implications sociétales du possible avénement d’une diglossie planétaire. Nous ferons ensuite justice aux alertes lancées par M. Arnaud-Aaron Upinsky en songeant aux implications d’une telle situation au niveau de l’intelligence des sujets.
Bien que cela n’apparait pas dans nos préoccupations quotidiennes, mais que l’on s’en aperçoit dès que l’on a la nécessité de se divertir ou de s’instruire un peu, l’orientation de la communication internationale vers un monolinguisme anglophone est facilement observable dans les choix officiels de nombreux pays, la nomination d’une personnalité anglophone à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie n’étant à ce titre que le dernier exemple à cette date. Ces choix nous placent dans une évolution qui mène à l’apparition une diglossie planétaire qui aura un anglo-américain simplifié comme variété haute.
C’est là une évolution dont il convient de mesurer les conséquences. Pour cela, on retiendra ici pour méthode d’observer d’abord quels ont été les effets de la diglossie dans le cas français, pour élargir ensuite ces effets au cas d’une éventuelle diglossie générale.
On se rappellera donc que le recours officiel à la langue françoyse sur les territoires du royaume de France, puis de la république, a eu pour effet du XVIe au XXe siècles d’amener la quasi disparition des disait-on patois, c’est-à-dire des langues provinciales, avec pour effet au niveau du sentiment d’appartenance des locuteurs que la quasi totalité des provinciaux se sentirait fort malmenée si on lui rechignait aujourd’hui son identité française. Par ailleurs, presque de la même façon, se constate en ce début de XXIe siècle une anglicisation accélérée et volumineuse du français, symptomatique de son passage du statut de langue dominante à celui de langue dominée dans son actuelle relation avec l’anglais, et que parallèlement nombre de Français ne se vexent pas à l’idée d’être désignés surtout comme Européens.
On observera donc qu’une situation diglossique représente une mise en péril évidente des langues dominées, avec un risque pour elles de mort par intoxication ou par étouffement, et initie également un changement dans le sentiment identitaire des locuteurs.
Si l’on veut à présent se risquer à élargir ces effets au cas d’une éventuelle diglossie planétaire, on appliquera ce risque de corrosion des langues dominées, les actuelles langues nationales, au niveau mondial comme cela s’est produit en niveau du territoire français européen. Il importe ici de bien définir la chaîne des conséquences à cela, car si une langue véhiculaire internationale unique apparaît, ce fait ne manquera pas de provoquer l’aliénation et la disparition à terme des langues nationales dominées, non sans la dilution des sociétés nationales dont elles créaient l’unité, avec pour corollaire la disparition des solidarités sociales traditionnelles, la perte de la protection des États disparus, et au total la mise en dangers des individus face aux puissances supra-nationales rémanentes, à savoir les empires commerciaux antérieurs et les empires institutionnels nouveaux.
L’avénement d’un anglais comme langue véhiculaire planétaire unique est donc une question de bien plus grande ampleur que celle de la seule question de la possibilité du choix linguistique. Il apparait aussi comme une menace pour la transmission des appartenances civilisationnelles. Il se révèle à l’analyse être l’entrée dans un processus de réorganisation planétaire unipolaire dont le risque objectif est celui de l’assujettissement des individus à une ou à des puissances globales différenciées ou non.
La tendance actuelle à l’anglicisation des relations internationales ne saurait donc paraître porteuse de conséquences heureuses pour la grande majorité des nations, ni même des citoyens anglophones.
Cela étant, cette première observation rend-elle déjà compte de toutes les implications de l’acceptation d’une lingua franca planétaire unique ?
Pour être complet, il conviendra de porter le regard sur les effets qu’aurait au final l’organisation d’une diglossie planétaire sur l’intelligence des sujets.
Un premier élément d’appréciation sera le fait, cautionné jusque par le cadre européen de référence pour les langues, de la très grande difficulté de mieux connaître une langue étrangère que sa langue maternelle. Nombreux sont les scientifiques qui se reconnaissent moins intelligents en anglais que dans leurs langues maternelles, indépendamment des langues en question, mais en raison de la capacité normale de maîtrise d’une langue seconde qui semble être le lot du tout un chacun. Avoir à penser dans une autre langue que dans sa langue maternelle pourrait ainsi tenir lieu de difficulté pour toute personne à l’exception peut-être des individus bilingues natifs de deux langues.
À l’observation de ce premier handicap, on ajoutera de surcroît la nécessité de considérer que l’anglo-américain véhiculaire global est notoirement décrit comme une sous-variété de l’anglais langue maternelle. L’humour britannique ne se plaît-il pas fréquemment à substituer au mot-forgé globish, celui de rubbish, soit, pour le dire en bon français, de remplacer celui d’anglais-global par celui d’anglais-poubelle ? La langue de communication planétaire proposée est en fait une langue nationale appauvrie, vraisemblablement réduite à ses potentialités fonctionnelles et ne mettant pas à la disposition de ses locuteurs les instruments requis pour une pensée subtile.
En conclusion, en termes de moyens de réflexion mis à disposition des personnes l’anglo-américain dit de lingua franca unique présenterait le triple préjudice de placer la majorité des individus dans une situation de réflexion moins confortable que dans celle de l’emploi de leur langue maternelle, d’appauvrir à terme les langues maternelles des locuteurs et de ne pas leur proposer en compensation une langue étrangère mieux adaptée à la réflexion. La langue dominante de la diglossie planétaire qui pourrait être en train de s’installer ne serait donc pas en mesure de compenser les dégâts que cette situation occasionnerait aux sujets et irait vers la réduction des capacités de réflexion des individus.
C’est ici une seconde conclusion importante, qu’il convient de mettre à contribution dans cette réflexion sur la légitimité actuelle des études françaises.
À y regarder de prêt donc, sans sombrer tout à fait dans le catastrophisme, il devient plus aisé de justifier un appel à la tenue d’un congrès sur l’enseignement international de la langue française, précisément en raison du contexte dans lequel cet appel se fait, qui s’avère être celui de la proclamation d’une sous-variété d’une autre langue au titre de lingua franca planétaire, dont la perspective pourrait raisonnablement être, sur fond de mondialisation économique et politique, l’installation d’une diglossie mondiale périlleuse pour la pérennité des nations et pour la liberté pratique et intellectuelle des sujets.
Les conclusions de la raison obtiennent finalement les acquiescements du cœur.
La pertinence de la tenue actuelle d’un congrès d’études françaises internationales paraît au vrai tout à fait assurée par la haute nécessité de préserver la diversité des langues de communication internationales en vue de protéger la vivacité et la diversité de toutes les langues nationales. Cet intérêt participe du souci de préserver les identités civilisationnelles et la possibilité d’une clarté de conscience pour tous.
Aussi, une nouvelle défense et illustration de la langue française, une des langues les plus répandues internationalement, langue dont le projet était dès 1637 d’être « élégant[e], mais capable de traiter tous les arts et toutes les sciences », langue européenne unique de la précision diplomatique depuis le traité d’Ultrech en 1713 jusqu’au traité de Versailles de 1919, aujourd’hui une des six langues officielles de l’Organisation des Nations unies, principe de regroupement d’une organisation qui compte 88 États et Gouvernements, paraîtra tout à fait heureuse et de première importance au sein de la défense et de l’illustration de toutes les autres langues humaines.
Ainsi, à l’occasion de la Journée de la langue française aux Nations unies, ce premier congrès international de l’Universidade federal da Bahia prendra-t-il pour titre « se réunir - se définir - se suivre », comme autant d’objectifs qu’il voudra mettre au service de l’enrichissement partagé de son domaine et de sa pérennité.
Commission scientifique
Pr. Dr. Ana Bicalho, Universidade Federal da Bahia, Brésil
Pr. Dr. Azine Hosseinzadeh, Université Hakim Sabzévari, Iran
Pr. Dr. Catherine Mendonça Dias, Université de la Sorbonne Nouvelle - Paris 3, France
Pr. Dr. Dario Pagel, Universidade Federal de Sergipe, Brasil, Président de la COPALC-FIPF, Vice-Président de la Fédération brésilienne des professeurs de français
Pr. Dr. Dele Adegboku, University of Port-Hartcourt, Nigeria
Pr. Dr. François Mangenot, Université de Grenoble Alpes, France
Pr. Dr. James Nyangor Oguto, Moi University, Kenya
Pr. Dr. Katayoun Shahpar-rad, Université Hakim Sabzévari, Iran
Pr.Dr. Lester Mtwana Jao, Pwani University, Kenya
Pr. Dr. Renata Aiala de Melo, Universidade Federal da Bahia, Brésil
Pr. Dr. Rita Bessa, Universidade Federal da Bahia, Brésil
Pr. Dr. Sada Niang, University of Victoria, Canada
Pr. Dr. Serge Borg, Univerisité de Bourgogne Franche-Comté, Président du forum HERACLES, Vice-Président du GERFLINT, Membre du Conseil scientifique de l’A.U.F.
Pr. Dr. Swati Daguspa, University of Delhi, Inde
Pr. Dr. Umaru Kiro Kalgo, Usmanu Danfodiyo University, Nigeria
Comité d’organisation
Président : Pr. Me. Fabrice F. Galvez, Universidade Federal da Bahia, Brésil
Vice-Président : Pr. Me. Angelo Sampaio, Universidade Federal da Bahia, Brésil
Pr. Dr. Florence Windmuller, Université des Sciences de l’Économie Georg-Simon-Ohm, Allemagne
Pr. Dr. Katia Camargo, Universidade Federal do Rio Grande do Norte, Brésil
Pr. Dr. Paulo Roberto Massaro, Universidade de São Paulo, Brésil
Partenaires universitaires
Département d'éducation, collège de lettres : langue et littérature françaises, Universidade do Estado da Bahia, Brésil
Département de français et d’italien, Stanford University, États-Unis d’Amérique
Département de langues et littératures étrangères, Universidade Federal do Rio Grande do Norte, Brésil
Département de langues et littératures étrangères, Universidade Federal de Santa Catarina, Brésil
Département de langue et littérature françaises, Université Hakim Sabzévari, Iran
Département de langues étrangères modernes, Universidade Federal de Santa Maria, Brésil
Département des langues européennes modernes et de linguistique, Usmanu Danfodiyo University, Nigeria
Département des lettres et des arts, Universidade Federal do Amapá, Brésil
Département de lettres modernes, Faculté de philosophie, lettres et sciences humaines, Universidade de São Paulo, Brésil
Département de linguistique et des langues étrangères, Moi University, Kenya
Institut d'humanités, arts et sciences, Universidade Federal do Sul da Bahia, Brésil
Laboratoire LIDILEM, Université de Grenoble Alpes, France
Programme de 3e cycle Études Linguistiques , Faculté des Lettres, Universidade Federal de Minas Gerais, Brésil
PROGRAMME
Mercredi 20 mars 2019
9 h. 30 : Accueil des participants
10 h. 15 : Ouverture
Journées de la langue française de l’UFBA, Ier Congrès international
10 h. 45 : Mini-conférence
Prof. BOYER, Dominique (Indépendant, Brésil) :
L’histoire de 33 mots français ayant conquis le monde
11 h. 10 : Table-ronde : Pour un réancrage bi-national des approches didactiques ?
Dr. BARBOSA DE CERQUEDA, Sérgio (UFSB, Brésil) :
Le Québec, connais-tu ? : Discours et images pour un travail sur la compétence interculturelle en classe de FLE
Me. GALVEZ, Fabrice Frédéric (UFBA, Brésil) :
Pour une réappropriation du français langue internationale
Me. PLATA PEÑAFORT, Carolina (Pontificia Universidad Javeriana, Colombie) :
Intégration de la composante interculturelle dans la formation des futurs enseignants de FLE
Médiateur : M. Mamadou Gaye (Directeur de l'Alliance française de Salvador, Brésil)
12 h. 40 : déjeuner
14 h. : Mini-conférence
Dr. SANTORO, Cristina (Indépendante, Argentine) :
Des confusions babéliennes, des sauvageries, des soumissions
14 h. 30 : Conférence
Dr. PAGEL, Dario (UFS, Président de la COPALC-FIPF, Brésil) :
Les politiques éducatives nationales : Vivantes, les langues ?
16 h. : pause
16 h. 15 : Conférence
Dr. NIANG, Sada (University of Victoria, Canada) :
Cinéma et histoire en Afrique francophone
18 h. : fin de la première journée
***
20 h. : Gastronomie
Hommage à Salvador de Bahia
Jeudi 21 mars 2019
9 h. 30 : Mini-conférence
Prof. BOYER, Dominique (Indépendant, Brésil) :
25% de français dans la langue anglaise
10 h. : Table-ronde : Études du dédoublement comme technique narrative
Licencianda FLORENCIO DA SILVA, Rayane (UFRJ, Brésil) :
Les ombres de soi : Réunion des personnages bailloniens sous une nouvelle forme
Licenciando AQUINO DE OLIVEIRA, Dionisio Junior (UNEB, Brésil) :
Analyse de la polyphonie et de la diglossie dans la construction du texte littéraire dans Nedjma, de Kateb Yacine
Mestranda SOARES MENDES, Larissa (UFRJ, Brésil) :
La photographie et le surréalisme : Un dialogue dans Nadja
Médiateur : Dr. SOARES DE SOUZA, Licia (UNEB, CNPq, Brésil)
11 h. 15 : pause
11 h. 30 : Conférence
Dr. FOUGEROUSE, Marie-Christine (Université de Saint-Étienne / Sorbonne Nouvelle Paris 3, France) ;
Me. CASANOVA, Marta (IFPA de Lyon, France) :
La place de la littérature et son exploitation dans l’enseignement / apprentissage du Français langue étrangère
12 h. 15 : déjeuner
***
14 h. : Mini-conférence
Prof. BOYER, Dominique (Indépendant, Brésil) :
La présence incontournable du français dans le quotidien brésilien
14 h. 30 : Table-ronde : Écritures de la distorsion
Me. BELROSE, Annick Marie (UNIFAP, Brésil) :
Le conflit diglossique en littérature : Le cas des récits autobiographiques de Patrick Chamoiseau
Dr. DANTAS MORAES, Viviane (UFMA, Brésil) :
Jacques Prévert : Poésie en résistance
Me. JÚNIO COSTA, Wellington, (UFS, Brésil) :
Traduire Le Potomak, de Jean Cocteau : La problématique des noms propres
Dr. SOARES DE SOUZA, Licia (UNEB, CNPq, Brésil) :
Figures spatiales de Montréal dans une perspective de géopoétique urbaine
Médiateur : Me. DE LIMA MAIA, William (UNEB, Brésil)
16 h. 30 : pause
16 h.45 : Entretien
Dr. SOARES DE SOUZA, Licia (UNEB, CNPq, Brésil)
Dr. HOUDET, Chantale (Directrice de l’Association internationale des études québécoises, Canada)
Présentation de l’Association internationale des études québécoises (AIEQ)
17 h. 15: Conférence
Dr. N’DRI, Kouamé Benjamin (Prés. AFP-CI, Côte d’Ivoire) :
L’enseignement des langues africaines, indispensable pour l’apprentissage du français : Le cas de la Côte d’Ivoire
18 h. 15 : fin de la seconde journée
***
20 h. : Cinéma
Le Grand Bain (Gilles Lelouche, France, 2018)
Vendredi 22 mars 2019
9 h. : Visite touristique
Prof. Paulo Serra (Indépendant, Brésil)
Visite commentée du centre historique de Salvador : Tomé de Souza
13 h. 45 : Mini-conférence
Prof. BOYER, Dominique (Indépendant, Brésil) :
La présence française dans les noms de lieux en Amérique
14 h. 15 : Table-ronde : Pour un enrichissement des pratiques de salle de cours
Dr. BENATTI ROCHEBOIS, Christianne (UFSB, Brésil) :
Les Histoires de vie dans la formation du Français Langue Étrangère
Dr. GONZAGA NUNES, Vanessa (UFS, Brésil) :
Alors, on chante ! : Une astuce musicale pour l’apprentissage du français
Me. VOOS KASPARY, Cíntia (UFRGS / UFBA, Brésil) :
L’usage du dictionnaire en cours de FOU (Français sur Objectifs Spécifiques)
Médiateur : Me. GALVEZ, Fabrice Frédéric (UFBA, Brésil)
15 h. 45 : pause
16 h. : Conférence
Dr. NIANG, Sada (University of Victoria, Canada) :
Réécrire des vies, régénérer des espaces : Glissant, Pépin, Chamoiseau et Confiant
17 h. 30 : Clôture des Journées de la langue français de l’UFBA, Ier Congrès international